
Le 27 mai 2019, le burn-out (burn out, ou burnout) est défini par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un « syndrome résultant d'un stress chronique au travail qui n'a pas été géré avec succès ». Depuis, les États s'organisent pour mieux prendre en charge le burn-out. Avec plus ou moins de succès. À quoi doivent s'attendre les travailleurs étrangers ? Quelle prise en charge pour celles et ceux souffrant d'épuisement professionnel ?
Le « burn-out de l'expatrié » existe-t-il ?
³¢'«Ìýexpat burnout » fait peu à peu parler de lui. Pour les professionnels défendant cette appellation, l'épuisement professionnel de l'expatrié se caractérise par un stress permanent, lié à la surcharge de travail. La personne est émotionnellement et physiquement « à vif ». Épuisée, elle n'arrive plus à se concentrer et perd en productivité. Cependant, cette définition rejoint celle du burn-out classique et ne serait donc pas propre à l'expatrié. Les défenseurs de « l'expat burnout » précisent que dans le cas du travailleur étranger, l'épuisement est aussi lié à sa condition : l'étranger se sent déphasé. L'adaptation constante à la culture étrangère l'épuise. Il culpabilise, car son expatriation ne se passe pas comme prévu : la belle aventure devient une angoisse quotidienne. Mais là encore, on pourrait rapprocher cette description de celle du choc culturel.
Que l'on adopte ou non l'expression « expat burnout », on reconnaît néanmoins des caractéristiques qui peuvent varier selon la situation de chacun. Travailler dans un pays étranger, apprendre une nouvelle langue, composer avec une culture différente peuvent effectivement être source de stress. On peut ressentir un stress comparable même sans expatriation (par exemple, lorsqu'on déménage seul dans une nouvelle ville). Dans ce dernier cas, on a néanmoins l'avantage de maîtriser la langue et la culture.
Comment les États prennent-ils en charge le burn-out ?
Contrairement à la dépression, le burn-out n'est pas reconnu comme une maladie par l'OMS. Des voix s'élèvent pour faire reconnaître l'épuisement professionnel comme une maladie. D'autant plus que le syndrome peut conduire à la dépression. Première avancée en 2022 : l'OMS a reconnu l'épuisement professionnel comme un « diagnostic médical légitime ». Où en sont les États ? Quelle prise en charge pour les malades ? Tour d'horizon.
Espagne
Selon une de l'opérateur téléphonique Ringover actualisée en juin 2025, 76 % des travailleurs espagnols interrogés disent avoir ressenti des symptômes d'épuisement professionnel. À Barcelone, ville préférée des expats, l'ambiance ne ressemble pas toujours au décor de carte postale. Certains travailleurs étrangers racontent un quotidien difficile, entre les attentes élevées des employeurs et les incompréhensions de l'entourage professionnel. Pour eux, l'Espagne ne prend pas encore la mesure du problème. La prise en charge médicale resterait limitée aux arrêts maladie et à l'administration de médicaments, mais sans réel débat public sur le burn-out.
En 2024, le ministère espagnol de la Santé déclare vouloir mieux surveiller la santé mentale liée au travail ; il annonce son intégration à son système national de surveillance épidémiologique. Parmi les points de surveillance, la relation entre précarité de l'emploi, immigration et épuisement professionnel. Selon les premières données, les expatriées seraient davantage concernées par cette situation. Le système de santé espagnol n'est pas épargné par le burn-out. Le problème a pris de l'ampleur depuis la crise sanitaire ; les personnels de santé parlent d'un système de santé victime des coupes budgétaires, et réclament plus de moyens. Plus de moyens, notamment pour mieux prendre en charge le burn-out.
France
Selon le Forum of Future publié en 2023, la France serait, avec le Royaume-Uni, le pays au taux de burn-out le plus élevé. Consciente du problème, la Haute Autorité de Santé a publié une fiche mémo visant à accompagner et orienter les travailleurs. En France, la prise en charge s'étend sur deux volets : la reconnaissance du burn-out et son traitement ; la prise en compte du « contexte socioprofessionnel à l'origine » du burn-out.
Prise en charge médicale
Premièrement, la prise en charge médicale est coordonnée par le médecin traitant du travailleur (médecin généraliste). Dans la majorité des cas, un arrêt de travail est prescrit. Selon les cas, le médecin traitant peut solliciter l'expertise d'un psychiatre. Le traitement peut être non médicamenteux (psychothérapie, thérapie psychocorporelle…). Ces thérapies peuvent être pratiquées par un psychologue, un psychiatre, un psychanalyste. Le traitement médicamenteux est prescrit uniquement si le travailleur développe d'autres pathologies (une dépression, par exemple).
Intervention dans le cadre de travail du salarié
La prise en compte du contexte socioprofessionnel fait intégralement partie de la prise en charge. Le médecin traitant se met en relation avec le médecin du travail pour « analyser les conditions de travail » de son patient. L'entreprise mène-t-elle des actions de prévention contre le burn-out ? Comment la santé mentale des travailleurs est-elle prise en compte ? Le patient reçoit également une aide pour effectuer ses démarches administratives. Par exemple, il peut bénéficier d'un aménagement de poste ou peut être orienté vers des professionnels de santé formés à la question du bien-être dans l'entreprise.
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Travailler en ³§³Üè»å±ð serait-il meilleur pour la santé ? Comme la Finlande, le Danemark ou la Norvège, la ³§³Üè»å±ð bénéficie d'une image positive auprès des travailleurs étrangers. Ses atouts : un bon équilibre vie professionnelle/vie personnelle. Le burn-out n'épargne néanmoins pas la ³§³Üè»å±ð. L'Agence suédoise de la sécurité sociale recense environ 20 000 cas chaque année. L'Agence compte environ un arrêt maladie sur six lié à des problèmes psychiatriques. Les malades sont généralement arrêtés deux semaines.
La ³§³Üè»å±ð est l'un des rares pays à avoir reconnu l'épuisement professionnel en tant que syndrome. Mais cette reconnaissance sera supprimée en 2028, afin de s'aligner sur la classification de l'OMS. Les spécialistes du burn-out y voient une avancée dans la prise en charge spécifique du syndrome. Car pour eux, l'épuisement professionnel a parfois été traité superficiellement. Or, ses causes sont multifactorielles. Les experts recommandent donc une prise en charge plus globale, avec un accent mis sur la prévention en entreprise. Le management devrait également mieux prendre en compte la santé mentale des travailleurs.
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Et s'il fallait instaurer un « congé de santé mentale » ? Depuis la crise sanitaire, l'idée gagne progressivement du terrain aux ɳٲ¹³Ù²õ-±«²Ô¾±²õ. En 2021, trois grandes sociétés américaines, Mozilla, LinkedIn et Bumble, proposent de mettre en place le congé. Ce congé est à différencier de l'arrêt maladie. Il ne s'agit pas d'un repos prescrit par le médecin pour traiter le burn-out, mais plutôt d'une pause pour éviter l'épuisement professionnel. Les salariés qui en ressentiraient le besoin pourraient poser quelques jours pour se décompresser. La raison de ce congé est économique : le burn-out coûterait chaque année plus de 5 millions de dollars aux entreprises de plus de 1 000 salariés.
Problème : il s'agit d'une initiative propre à chaque entreprise, et non d'un programme fédéral. De plus, comment mettre en place ce congé ? Serait-il réservé aux salariés en difficulté ou inclurait-il les travailleurs en bonne santé qui souhaitent souffler ? Faudrait-il une ordonnance médicale ou non ?
Pas de « congé de santé mentale » au niveau fédéral, donc, mais un notamment destiné à aider les travailleurs en souffrance. Par exemple, en fonction de sa situation, le travailleur pourrait bénéficier d'un aménagement de poste. En vertu de la loi sur le congé médical et familial (Family and Medical Leave Act (FMLA)), le travailleur peut bénéficier d'un congé pour traiter un problème de santé mentale. Ce congé pourra aller jusqu'à 12 semaines annuelles (pour les travailleurs éligibles) s'il est notamment prouvé une incapacité d'effectuer les tâches essentielles du travail à cause de la pathologie. Le problème de santé doit être grave (problème de santé mentale, physique ou les deux). Le congé garanti par la FMLA est non rémunéré, mais avec conservation du poste.
Chine
En Chine, les jeunes actifs et demandeurs d'emploi entrent en résistance. S'il existe bien des droits aux arrêts maladie, la prise en charge spécifique de l'épuisement professionnel se fait encore attendre. En 2024, Yu Donglai, fondateur et dirigeant de l'entreprise de vente au détail Pang Dong Lai, lance un « unhappy leave ». Ce « malheureux congé » est réservé aux salariés qui ne se sentent pas heureux dans l'entreprise. Ils peuvent prendre jusqu'à 40 jours par an sans besoin de présenter un certificat médical. Sur les réseaux sociaux, on acclame la proposition de Yu Donglai, à rebours de la vision du travail en Chine. Mais des sceptiques suggèrent qu'un tel congé serait difficilement transposable dans tous les secteurs.
Si le « unhappy leave » ne règle pas la question du burn-out, il permet de lever le voile sur un problème qui touche la culture du travail en Chine, le fameux « 996 » (travail de 9h du matin à 9h du soir, 6 jours par semaine). C'est après une dépression que Li Jianxiong, cadre chinois au rythme de travail effréné, trouve un nouveau sens à sa vie. Il quitte son emploi, voyage, revient en Chine et fonde Heartify, un groupe de soutien dédié aux personnes en burn-out. La structure répond au manque d'institutions publiques en la matière. La perte de confiance dans ces institutions semble grandir depuis la Covid. Chez les jeunes travailleurs, la désillusion est particulièrement grande. Certains font un choix radical : sortir du marché du travail pour éviter l'épuisement professionnel. Ils rejettent la culture du 996 et choisissent ouvertement de ne pas travailler. Pour les experts, cette prise de position devrait être vue comme un signal d'alarme.
Burn-out en expatriationÂ
Les médecins s'accordent sur un point : le congé seul ne suffit pas. Or, c'est ce que proposent la plupart des pays. L'arrêt maladie fait effectivement partie des droits du travailleur. Mais se reposer 3 ou 15 jours chez soi a peu de chances d'amener la guérison. L'arrêt maladie devrait s'accompagner d'une prise en charge globale du burn-out, dont la spécificité est d'être liée à l'environnement professionnel. C'est donc là qu'il faut chercher des solutions pour le travailleur : entretiens avec le médecin du travail, évaluation des conditions de travail, propositions d'aménagement… (approche pluridisciplinaire).
Il faut néanmoins soulever une limite : tout dépend des lois du pays concernant les droits du travailleur et les obligations de l'employeur. Tout dépend aussi du système de santé du pays d'expatriation et de sa culture du travail. Parler d'épuisement professionnel, c'est parler de santé mentale. Un terme encore tabou dans certains pays. Un terme pouvant être perçu différemment selon les cultures. Les expatriés sont néanmoins de plus en plus alertés et informés sur l'épuisement professionnel.
Derniers conseils pour prévenir tout risque de surmenage
Oui aux heures supplémentaires, mais dans le strict respect de la loi locale.
Être en télétravail ne justifie pas de dépasser son temps de travail.
S'il n'est pas légalement reconnu partout, le droit à la déconnexion existe.
Aucun travailleur ne peut effectuer l'ensemble des tâches seul. Il faut déléguer.
Un salarié a le droit de refuser une mission impossible à réaliser dans le délai imparti.
Le rééquilibrage vie professionnelle/vie privée est indispensable.
Avoir des passions, s'épanouir dans des activités personnelles, aide à garder le moral.
Sources :